Le 28 mai 1975, quinze pays ouest-africains s’unissent pour signer le Traité de Lagos, donnant naissance à la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Leur ambition ? Stimuler l’intégration régionale, favoriser la coopération économique et instaurer la libre circulation des personnes.
Deux ans plus tard, le Cap-Vert rejoint l’organisation, portant à 16 le nombre d’États membres. Pour concrétiser leur vision, les dirigeants mettent en place des outils concrets, comme le Schéma de Libéralisation des Échanges de la CEDEAO (SLEC) dès 1979, et la Banque d’Investissement et de Développement de l’organisation pour financer des projets structurants.
Le parcours de la CEDEAO en 5 points
Le bras armé de la paix : ECOMOG entre en scène
L’organisation ne se limite pas au commerce : elle s’affirme rapidement comme un acteur de la paix dans la région. En 1990, elle crée la Force d’intervention ECOMOG, qui intervient en Liberia pour tenter de mettre fin à la guerre civile. En 1998, elle chasse la junte militaire en Sierra Leone pour rétablir le président élu Ahmad Tejan Kabbah.
Depuis, ECOMOG est intervenue dans plusieurs crises régionales, notamment en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau et en Gambie, faisant de la communauté une pionnière en matière de diplomatie sécuritaire sur le continent.
Intégration économique et mobilité régionale
En 1979, la CEDEAO adopte un protocole sur la libre circulation des personnes, une initiative saluée comme un grand pas vers l’unité régionale. Aujourd’hui, avec une carte biométrique CEDEAO, un citoyen peut voyager de Lagos à Dakar sans visa. Une avancée majeure dans une Afrique où 39 visas sont parfois nécessaires pour circuler à travers le continent.
Malgré des réussites comme l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS) ou des projets ambitieux comme le gazoduc Nigeria-Maroc, l’échec de la monnaie unique reste un point noir. Prévue initialement il y a 20 ans, sa mise en œuvre est désormais repoussée à 2027, faute de convergence économique suffisante.
L’échec diplomatique face aux coups d’État au Sahel
Depuis 2020, les coups d’État militaires ont mis à rude épreuve l’influence de la CEDEAO. Mali, Guinée, Burkina Faso, puis Niger : autant de pays qui ont connu des changements anticonstitutionnels de pouvoir. L’échec de l’organisation à faire revenir les putschistes à l’ordre démocratique a terni son image.
En juillet 2023, le coup d’État au Niger représente un tournant : malgré les sanctions et les menaces d’intervention militaire, les militaires restent en place. Finalement, Mali, Burkina Faso et Niger quittent l’organisation, réduisant à 12 le nombre de membres.
Le terrorisme et la désillusion populaire
La montée du terrorisme dans la région du Sahel est une autre crise que la CEDEAO peine à contenir. Des groupes affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique contrôlent des pans entiers du territoire, alimentant insécurité, déplacements massifs et pauvreté. L’organisation collabore avec l’Union africaine, mais la situation reste critique.
À cela s’ajoute un sentiment grandissant de désillusion parmi les citoyens. Beaucoup dénoncent l’inefficacité de la libre circulation, les corruptions aux frontières, et l’inapplication des textes pourtant votés depuis des décennies.
Quel avenir pour la CEDEAO après 50 ans ?
Malgré les critiques, le président de la Commission, Omar Alieu Touray, reste optimiste. Il affirme que l’unité régionale reste un souhait profond des populations, et que le dialogue permettra de surmonter les divisions actuelles.
La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest entre donc dans sa seconde moitié de siècle à un tournant historique : soit elle se réinvente pour regagner la confiance des citoyens et des États, soit elle risque de voir son projet d’intégration continentale sombrer.