Un mois de silence, puis une réapparition inattendue au bord d’une route de Bamako. Alassane Abba, figure politique malienne de premier plan et ancien secrétaire général du parti Codem (Convergence pour le développement du Mali), a été libéré après avoir été porté disparu pendant plus de quatre semaines. Selon ses proches, l’homme aurait été enlevé par les services de renseignement maliens, bien que les autorités n’aient ni confirmé ni commenté cette affirmation.
C’est son fils, Alhousseini Jannatta Alassane, qui a annoncé la libération de son père ce dimanche. « Aucune autorité n’a revendiqué cette arrestation, mais tout indique une implication directe des services de sécurité », a-t-il confié à l’agence Associated Press. Le silence des autorités maliennes autour de cette affaire renforce les soupçons sur une volonté de museler les voix dissidentes dans le pays.
Le 9 mai, M. Abba avait été interpellé à la suite de déclarations publiques dénonçant la répression croissante des libertés civiles et le refus persistant de la junte militaire d’organiser des élections depuis le putsch de 2021. Il participait alors à une manifestation pro-démocratie dans la capitale, où plusieurs figures de l’opposition appelaient à un retour à un ordre constitutionnel.
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Depuis son retour au pouvoir en 2021, le régime du colonel Assimi Goïta semble avoir durci le ton face à toute contestation. En mai dernier, ce dernier a promulgué un décret dissolvant tous les partis politiques, dans un climat de tensions alimenté par la montée des contestations populaires. Cette mesure extrême est survenue après une mobilisation importante de militants pro-démocratie, dénonçant la dérive autoritaire du gouvernement de transition.
Le Mali traverse depuis plusieurs années une crise multiple. Sur le plan sécuritaire, le pays fait face à une insécurité endémique alimentée par les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Sur le plan politique, deux coups d’État successifs ont mis à mal les institutions démocratiques. Le tissu social, quant à lui, se fragilise sous l’effet des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et du musellement des voix critiques.
La libération d’Alassane Abba, bien qu’accueillie avec soulagement par sa famille, soulève de nombreuses interrogations : dans quel état se trouve-t-il ? A-t-il subi des mauvais traitements ? Et surtout, combien d’autres opposants croupissent encore dans des lieux de détention tenus secrets ? La junte, désormais isolée sur le plan international, semble s’enfoncer dans une logique de répression, alors même que la société civile réclame plus de transparence et de justice.
À mesure que les mois passent, l’étau se resserre autour des défenseurs de la démocratie au Mali. Et si la voix d’Alassane Abba est momentanément revenue du silence, celle de nombreux autres militants reste étouffée.