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Côte d’Ivoire : Le RHDP pris dans le piège d’une opposition unie

La Côte d’Ivoire entre dans une séquence politique décisive à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025. Dans un contexte de fortes tensions institutionnelles, les deux principaux partis d’opposition, le PDCI-RDA de Tidjane Thiam et le PPA-CI de Laurent Gbagbo, ont annoncé, le 19 juin, la formation d’un front commun pour exiger des réformes électorales profondes. Cette initiative marque une alliance inédite entre deux forces historiques souvent opposées, désormais unies face à ce qu’elles dénoncent comme un système électoral biaisé.

Parmi les revendications phares : la restructuration de la Commission Électorale Indépendante (CEI), jugée inféodée au pouvoir, et un audit indépendant de la liste électorale, dont la version actuelle, publiée en juin 2025, recense près de 8,7 millions d’électeurs. Les deux partis dénoncent de graves irrégularités, notamment des radiations arbitraires et des inscriptions contestées, compromettant selon eux la transparence du processus électoral.

Cette offensive conjointe intervient alors que leurs leaders respectifs sont exclus de la course présidentielle : Tidjane Thiam, malgré sa renonciation à la nationalité française, a été radié de la liste électorale, les autorités estimant qu’il ne jouirait plus de la nationalité ivoirienne. Quant à Laurent Gbagbo, bien que gracié en 2022, il demeure inéligible en raison d’une condamnation à 20 ans de prison liée au pillage de la BCEAO en 2011.

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Une CEI sous le feu des critiques

La Commission Électorale Indépendante, dirigée par Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, fait l’objet de critiques virulentes de la part du PPA-CI et du PDCI-RDA, qui ont suspendu leur participation à ses travaux depuis avril 2025. Les deux partis la considèrent comme partiale et subordonnée au pouvoir exécutif, dénonçant une gestion opaque des contentieux électoraux et l’absence de réelle indépendance.

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Ils réclament non seulement une restructuration en profondeur de l’institution, mais aussi le retrait du ministère de l’Intérieur du processus électoral, afin de garantir une séparation claire entre les autorités politiques et les organes de gestion des scrutins. Pour les deux formations, seule une réforme structurelle de la CEI permettra de restaurer la confiance des électeurs et d’éviter une crise de légitimité à l’issue de la présidentielle.

En réponse, la CEI rejette toute accusation de partialité, affirmant qu’elle agit conformément aux dispositions légales en vigueur. Elle rappelle avoir conduit des consultations techniques avec les partis politiques et la société civile, ce que l’opposition conteste, qualifiant ces rencontres de pure formalité sans impact réel sur les décisions prises.

L’appel au dialogue national reste lettre morte

Dans un effort de désescalade, le PDCI et le PPA-CI appellent à l’ouverture d’un dialogue politique national inclusif, rassemblant l’ensemble des forces vives du pays partis, organisations de la société civile, autorités religieuses et gouvernement. Ce cadre, selon eux, devrait permettre de débattre des réformes institutionnelles urgentes, notamment le rétablissement de la limitation des mandats présidentiels, abrogée sous le mandat du président Alassane Ouattara.

Mais cette main tendue demeure ignorée par le pouvoir en place. Le gouvernement a rejeté l’idée d’un dialogue national, considérant que les mécanismes existants sont suffisants. Cette fin de non-recevoir laisse planer l’ombre d’une nouvelle crise électorale, alors que le climat politique reste tendu, marqué par des exclusions, des contestations et une méfiance croissante envers les institutions.

Le front commun entre le PDCI-RDA et le PPA-CI cherche à peser dans le rapport de force en mobilisant au-delà de leurs bases traditionnelles, et en fédérant les mécontentements latents. Toutefois, leur capacité à tenir sur la durée face aux pressions du pouvoir, aux divisions internes et aux obstacles juridiques sera déterminante. En filigrane, c’est l’état de la démocratie ivoirienne qui se joue, à un an d’un scrutin décisif.

En lançant un appel clair aux réformes électorales et en dénonçant une CEI jugée aux ordres, le PDCI et le PPA-CI entendent remettre la question de la transparence démocratique au centre du débat public. Si leur union marque une étape symbolique forte dans la vie politique ivoirienne, son impact dépendra de la capacité du pouvoir à entendre ces revendications et à ouvrir un cadre de dialogue véritable. À défaut, la Côte d’Ivoire pourrait une nouvelle fois s’engager sur une pente glissante à l’approche de l’échéance présidentielle.

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