Quatre-vingts ans après le massacre de Thiaroye, le 1er décembre 1944, le Sénégal franchit une étape majeure vers la découverte de la vérité. Une équipe d’archéologues sénégalais a lancé des fouilles dans et autour du cimetière militaire de Thiaroye, près de Dakar, où, selon beaucoup, reposent les victimes de l’un des chapitres les plus sombres de la France coloniale, enterrées dans des fosses communes anonymes.
Cette initiative, plus que symbolique, vise à déterminer le nombre réel de fusiliers ouest-africains tués par l’armée française après la Seconde Guerre mondiale. Des soldats ont combattu pour la France mais ont été abattus à leur retour au pays après avoir exigé la solde et le traitement qui leur avaient été promis.
Sondage sur le terrain : les tombes sont-elles vides ?
Les archéologues, soutenus par l’armée sénégalaise, disposent de deux sites de fouilles clés : le cimetière de Thiaroye lui-même et l’ancien camp militaire situé à la périphérie de Dakar, où le massacre a eu lieu. Leur mission consiste à explorer le terrain, à localiser d’éventuelles fosses communes cachées et, éventuellement, à trouver des restes humains susceptibles de contribuer à quantifier l’ampleur des massacres.
LIRE AUSSi : Sénégal : Emmanuel Macron annoncé à Dakar
Pendant des décennies, un climat d’incertitude et de suspicion plane sur le bilan officiel français, qui affirme que seuls 35 soldats ont péri. Cependant, des historiens indépendants estiment que le nombre réel pourrait dépasser 350. Cette divergence a alimenté des générations de demandes de vérité et de justice sur le massacre de Thiaroye.
En 2020, un parlementaire français a révélé l’existence de trois fosses communes potentielles sous des parcelles non identifiées du cimetière, citant des informations de l’armée française. Cette révélation a renforcé la volonté du Sénégal de réexaminer les sites physiques liés à la tragédie.
Fouille sur le massacre de Thiaroye : Une mission nationale sans limite de temps
Il ne s’agit pas d’une fouille de routine. Les enjeux sont historiques, émotionnels et politiques. Les travaux, menés par des experts de l’Université Cheikh Anta Diop, n’ont pas de date limite officielle. Chaque fragment découvert pourrait éclairer un chapitre à la fois douloureux et peu documenté du passé colonial du Sénégal.
LIRE AUSSI : Ousmane Sonko tacle Paris sur le massacre de Thiaroye
Le gouvernement s’est engagé à compiler les résultats dans un livre blanc destiné au président du Sénégal. D’ici là, les résultats resteront confidentiels, mais ils devraient alimenter la réflexion nationale, d’éventuelles actions en justice et de nouvelles demandes de reconnaissance de la part de la France.
« Que s’est-il passé ? Que manque-t-il ? Et après ?»
Telles sont les trois questions centrales auxquelles le comité scientifique, présidé par l’éminent historien Mamadou Diouf, souhaite répondre à travers ce projet. Ce livre blanc servira à la fois de bilan historique et de document d’orientation, destiné à guider les futures enquêtes et les efforts officiels de commémoration.