Pourquoi Simone Gbagbo porte-t-elle encore le nom de son ex-mari ?

Pourquoi Simone Gbagbo porte-t-elle encore le nom de son ex-mari ?

En Côte d’Ivoire, le nom « Gbagbo » est à la fois un symbole de lutte, de pouvoir. Même si parfois, il est au cœur de controverses intenses, Simone Ehivet, communément appelé Simone Gbagbo, continue de porter fièrement le nom de son ex-mari, Laurent Gbagbo, malgré leur divorce prononcé en juin 2023. Cette décision de l’ancienne Première dame et figure politique majeure de Côte d’Ivoire est loin d’être anodine, d’autant plus qu’elle intrigue plus d’un.

 

À l’approche de l’élection présidentielle de 2025 à laquelle elle participe officiellement, beaucoup se demandent pourquoi Simone Ehivet s’accroche-t-elle au nom de l’ancien président ivoirien ? Est-ce une stratégie pour asseoir son influence politique ou un attachement à une histoire partagée ? 

 

Ce qu’il faut savoir sur Simone Gbagbo

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Simone Ehivet Gbagbo, surnommée la « Dame de fer », est une actrice majeure de la scène politique ivoirienne. Historienne, docteure en littérature orale, et militante marxiste dans les années 1970, elle a cofondé le FPI avec Laurent Gbagbo, luttant pour le multipartisme sous Félix Houphouët-Boigny. 

 

Première dame de 2000 à 2011, elle a exercé une influence significative, souvent controversée, notamment lors de la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait environ 3 000 morts. Condamnée à 20 ans de prison en 2015 pour « atteinte à la sûreté de l’État », elle est amnistiée en 2018 par le président Alassane Ouattara. Le divorce de 2023, prononcé aux torts de Laurent pour adultère et abandon, n’a pas empêché Simone de conserver le nom « Gbagbo », un choix qui cristallise les tensions à l’approche de la présidentielle de 2025.

 

Remontons le temps et explorons l’histoire de cet ancien couple. Vous comprendrez aisément ensuite pourquoi la Dame de fer a du mal à s’éloigner de l’aura du nom de son ex-mari.

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L’histoire du couple Gbagbo

 

Simone Ehivet et Laurent Gbagbo ont marqué l’histoire politique ivoirienne par leur engagement commun, leur ascension au pouvoir et leurs divergences personnelles. Leur parcours est jalonné de luttes et de crises. Leur aventure éclaire justement les raisons pour lesquelles Simone conserve le nom « Gbagbo ».

 

Tout a commencé en 1973, Simone Ehivet, brillante étudiante en histoire à l’Université d’Abidjan, rencontre Laurent Gbagbo, enseignant et militant de gauche. Elle rejoint la cellule clandestine « Lumumba », dirigée par Laurent, pour s’opposer au régime à parti unique de Félix Houphouët-Boigny. Leur amour repose donc sur des idéaux socialistes et anti-impérialistes.

 

En 1982, en exil en France, Simone et Laurent fondent le Front populaire ivoirien (FPI) avec des militants comme Aboudramane Sangaré. Là, Simone joue un rôle clé dans la mobilisation des femmes et la structuration du parti. Après le retour de Laurent en Côte d’Ivoire, le couple se marie  ensuite en 1989 à Abidjan. Ce mariage a été célébré dans un climat de lutte politique.

 

Après, l’élection de Laurent Gbagbo à la présidence en 2000 propulse Simone au rang de Première dame et présidente du groupe parlementaire FPI. Surnommée la « conseillère de l’ombre », elle influence ainsi les décisions, mais son soutien à des milices pro-Gbagbo et son rôle dans les cercles évangéliques suscitent des critiques. Ensuite, des tensions conjugales émergent, exacerbées par la rébellion de 2002.

 

Dans la foulée, la crise post-électorale de 2010-2011, déclenchée par le refus de Laurent de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, culmine avec l’arrestation du couple le 11 avril 2011 à Abidjan. Simone est donc détenue à Odienné, Laurent à Korhogo, puis transféré à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

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Simone Ehivet Gbagbo

Le retour de Laurent et l’humiliation

 

En 2015, Simone est condamnée à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Pendant ce temps, Laurent, à la CPI, officialise sa relation avec Nady Bamba, sa compagne depuis 1997. Cette liaison, mal accueillie par Simone, marque le début de leur éloignement personnel, malgré leur cause politique commune. Amnistiée par Alassane Ouattara, Simone est libérée le 7 août 2018. Elle reprend son rôle de vice-présidente du FPI pro-Gbagbo, mais les dissensions avec Laurent s’accentuent, notamment sur la direction du parti.

 

 Acquitté par la CPI, Laurent Gbagbo revient à Abidjan le 17 juin 2021. Simone, présente à l’aéroport, est écartée par l’entourage de Laurent, qui apparaît aux côtés de Nady Bamba. Peu après, Laurent demande le divorce, un geste perçu comme une « répudiation » par Simone.

 

Le 29 juin 2023, le tribunal d’Abidjan prononce le divorce aux torts exclusifs de Laurent pour adultère, abandon de domicile conjugal et injures graves. Simone conserve l’usage du nom « Gbagbo ». En septembre 2024, une interview de Simone sur France 24, où elle est présentée comme « Simone Gbagbo », déclenche la colère du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), fondé par Laurent. Le parti, via son avocate Habiba Touré, menace d’une action en justice, accusant Simone de semer la confusion.

 

Simone revendique son droit et candidate à la présidentielle 2025 avec le nom “Gbagbo”

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Lors d’un meeting à Abidjan en octobre 2024, la Dame de Fer réaffirme son attachement au nom « Gbagbo » : « Ce nom fait partie de mon histoire, de ma lutte, de mon identité. Personne ne peut me l’enlever. » Ce défi, adressé à Laurent et à Nady Bamba, désormais épouse de Laurent, attise les tensions.

 

Le 30 novembre 2024, lors de la première convention du Mouvement des Générations Capables (MGC) à Moossou, Simone annonce officiellement sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025. Sous le nom « Simone Gbagbo », elle promet de bâtir une « Côte d’Ivoire réconciliée, forte, pleine de justice et d’équité ».

 

Le 5 juillet 2025, Simone Ehivet Gbagbo officialise sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2025 lors de la troisième édition de la Fête des Libertés, organisée par son parti, le Mouvement des Générations Capables (MGC), à Yopougon, bastion historique de l’opposition à Abidjan. 

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Pourquoi Simone conserve le nom Gbagbo ? Notre analyse

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Tout d’abord, le nom « Gbagbo » incarne l’histoire du FPI et la lutte pour le multipartisme. Simone, co-fondatrice du parti, revendique ce nom comme partie intégrante de son identité publique, reconnue mondialement. Son usage est stratégique pour mobiliser les électeurs fidèles à l’héritage du FPI. Ensuite, en conservant ce nom , elle capitalise sur la popularité de Laurent, malgré son inéligibilité. Surnommée « Maman », elle s’adresse aux militants du FPI originel.

 

Selon l’article 40 du code civil ivoirien, une femme divorcée perd l’usage du nom de son ex-mari, sauf autorisation pour un « intérêt particulier ». Simone pourrait arguer que ce nom est essentiel à sa carrière politique, mais le camp de Laurent, via son avocate Habiba Touré, menace d’une action en justice.

 

Pour finir, le divorce, initié par Laurent en 2021, a été vécu comme une humiliation par Simone. Garder le nom « Gbagbo » est un défi adressé à Laurent et à Nady Bamba, mariée à Laurent en 2023, ainsi qu’une affirmation de son rôle dans l’histoire politique ivoirienne.

 

Simone Gbagbo porte encore le nom de son ex-mari pour des raisons probablement stratégiques et personnelles. Et sa participation à la prochaine présidentielle ivoirienne la positionne comme une alternative à la fois au président sortant Alassane Ouattara, qui n’a pas encore confirmé sa candidature pour un quatrième mandat, et à d’autres figures de l’opposition, comme Pascal Affi N’Guessan et Jean-Louis Billon. Cependant, l’exclusion de Laurent Gbagbo de la liste électorale, en raison d’une condamnation à 20 ans de prison pour le « braquage » de la BCEAO en 2011, élimine la possibilité d’un face-à-face direct entre les ex-époux.

 

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