Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) de la République démocratique du Congo a frappé fort. Le 3 juin, l’autorité de régulation des médias a prononcé une interdiction de toute couverture médiatique de l’ancien président Joseph Kabila et de son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), pour une durée de 90 jours. Cette mesure s’applique à tous les supports, de la presse écrite aux réseaux sociaux, en passant par les chaînes de télévision et les sites web.
Pour justifier cette décision, le président du CSAC, Christian Bosembe, évoque la nécessité de préserver l’unité nationale. Il pointe notamment certaines déclarations de Joseph Kabila jugées « subversives » lors de son récent déplacement à Goma, dans l’Est du pays, région en proie à une insécurité chronique. L’ancien chef de l’État y avait lancé un « pacte citoyen », un appel à la mobilisation populaire dans un contexte particulièrement sensible.
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La méfiance des autorités se renforce par les soupçons persistants qui pèsent sur le PPRD, accusé par certains acteurs politiques d’entretenir des liens avec la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda. Bien que ces accusations n’aient jamais été formellement prouvées, elles suffisent à alimenter les tensions déjà vives dans une région à la fois stratégique et instable.
Cette interdiction médiatique intervient par ailleurs dans un contexte judiciaire explosif. Le 22 mai, le Sénat congolais levait les immunités parlementaires de Joseph Kabila, ouvrant la voie à de potentielles poursuites pour crimes de guerre et trahison. Un acte symbolique fort, qui marque une rupture historique avec l’ancien régime.
Mais la mesure du CSAC ne fait pas l’unanimité. De nombreux juristes et défenseurs des droits de la presse s’indignent d’une atteinte grave à la liberté d’expression et au pluralisme démocratique. « Réduire au silence un acteur politique majeur pendant trois mois, c’est franchir une ligne rouge », alerte un avocat spécialisé en droit des médias. Pour plusieurs observateurs, il s’agit d’une dérive inquiétante vers l’autoritarisme, à l’approche de nouvelles échéances électorales.
Le débat est désormais lancé : faut-il protéger la cohésion nationale en muselant certaines voix, ou garantir les libertés fondamentales, quitte à prendre le risque de voir surgir des discours clivants ? En censurant l’un des anciens piliers du pouvoir congolais, les autorités prennent le risque d’aggraver la polarisation déjà palpable dans le pays.
Reste à savoir si cette suspension sera strictement respectée par les médias, ou si elle ouvrira la voie à de nouvelles tensions entre le pouvoir et la presse. Une chose est sûre : le silence imposé à Joseph Kabila ne passe pas inaperçu.