Alors que le climat politique s’envenime à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire, la récente élimination de plusieurs candidats potentiels, dont l’ancien président Laurent Gbagbo, fait monter la pression. Dans ce contexte tendu, l’Union européenne a dépêché une mission diplomatique à Abidjan pour rencontrer les acteurs politiques majeurs du pays. C’est dans cette dynamique que des émissaires européens se sont rendus au siège du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), formation dirigée par Laurent Gbagbo.
Si ce dernier n’a pas assisté à la rencontre, c’est son vice-président, Sébastien Dano Djédjé, qui a accueilli la délégation conduite par Francesca Di Mauro, ambassadrice de l’UE en Côte d’Ivoire. Aucune déclaration n’a été faite à l’issue de cette entrevue confidentielle, mais sa portée symbolique reste forte : la communauté européenne semble préoccupée par l’atmosphère d’exclusion politique qui entoure le processus électoral ivoirien.
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Une condamnation politique décriée à l’international
L’éviction de Laurent Gbagbo du scrutin repose sur une condamnation judiciaire remontant à la crise post-électorale de 2010. Accusé de « braquage » de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BECEAO), l’ancien président a écopé d’une peine de 20 ans de prison. Une décision pour le moins controversée : à l’époque, alors déclaré vainqueur de l’élection par le Conseil constitutionnel, Gbagbo avait réquisitionné certaines banques, dont la BECEAO, pour garantir le paiement des salaires des fonctionnaires, alors que ces institutions avaient fermé leurs guichets sur instruction de puissances étrangères.
La BECEAO elle-même n’a jamais porté plainte, ni reconnu avoir été victime d’un braquage. Pire encore, elle a officiellement déclaré ne pas avoir subi de préjudice dans cette affaire. Une position qui jette un voile d’incompréhension sur la légitimité du verdict prononcé par la justice ivoirienne.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a par ailleurs tranché en faveur de Laurent Gbagbo, exigeant la levée de sa condamnation ainsi que sa réintégration complète dans le processus électoral. Une injonction que le gouvernement ivoirien a refusée de suivre, préférant se retirer de cette juridiction panafricaine, accentuant ainsi les accusations de manœuvres politiques.
Gbagbo, toujours combatif malgré l’obstacle judiciaire
Malgré les entraves, Laurent Gbagbo reste déterminé à jouer un rôle central dans la vie politique ivoirienne. Lors d’un meeting récent à Port-Bouët, il a dénoncé avec véhémence ce qu’il considère comme une exclusion arbitraire et injuste. “Ils veulent qu’on se batte, on va se battre”, a-t-il lancé devant ses partisans, laissant entrevoir une mobilisation politique forte dans les mois à venir.
Son combat, qu’il présente comme celui de la dignité et du droit, dépasse le cadre de sa propre candidature. Il touche à la transparence du système électoral et au respect des droits fondamentaux des citoyens. L’ex-président, blanchi par la Cour pénale internationale dans les affaires de crimes lors de la crise de 2010-2011, reste un symbole puissant pour une frange importante de l’électorat.
L’Union européenne, consciente du risque d’escalade, tente de jouer les médiateurs, bien que son rôle passé soit encore entaché d’un certain soupçon. À l’époque, elle avait soutenu les choix diplomatiques de la France, largement critiqués depuis. Sa récente mission pourrait-elle marquer un changement d’approche ? Rien ne filtre officiellement, mais le simple fait de se rendre au siège du PPA-CI indique une volonté de ne pas ignorer l’un des principaux acteurs du paysage politique ivoirien.
L’avenir politique immédiat de la Côte d’Ivoire reste incertain. La condamnation de Laurent Gbagbo, perçue par de nombreux observateurs comme un instrument d’exclusion électorale, suscite une réaction diplomatique prudente mais visible. Si l’Union européenne ne s’est pas encore exprimée publiquement, son intérêt croissant pour le dossier témoigne de l’ampleur de la crise à venir. À moins de quatre mois du scrutin, la tension ne faiblit pas, et le pays semble à nouveau à un tournant de son histoire politique.