Dans une volonté affirmée de reprendre le contrôle de ses ressources stratégiques, le Mali vient de franchir un cap décisif. Le 28 mai 2025, le gouvernement malien a annoncé, à l’issue d’un conseil des ministres, la signature d’un protocole d’accord avec la société russe Yadran pour la construction d’une raffinerie d’or géante à Bamako, capable de traiter jusqu’à 200 tonnes par an. Ce projet marque une rupture profonde avec les pratiques anciennes, où la quasi-totalité de l’or malien était transformée à l’étranger.
Une ambition souverainiste au cœur de la stratégie
Troisième producteur d’or du continent africain, derrière l’Afrique du Sud et le Ghana, le Mali entend désormais capter une plus grande part de la valeur ajoutée générée par son sous-sol. En détenant 62 % du capital social de cette future raffinerie, l’État malien s’inscrit dans une logique de contrôle public accru sur ses ressources. Ce projet s’inscrit dans la continuité d’un repositionnement géopolitique plus large : le divorce avec la France a laissé place à une coopération renforcée avec la Russie, devenue un acteur central dans les secteurs militaire, énergétique et désormais minier.
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Réponse à une conjoncture minière défavorable
Cette initiative intervient dans un contexte économique tendu : selon les chiffres officiels, la production industrielle d’or au Mali a reculé de 23 % entre 2023 et 2024, tombant à 51 tonnes. La création d’une raffinerie nationale vise non seulement à renforcer la valeur locale, mais aussi à redynamiser une filière en perte de vitesse. Elle permettra également de mieux encadrer l’or issu de l’exploitation artisanale, souvent mal documenté et exporté de manière informelle.
Une dynamique continentale vers la transformation locale
Le Mali rejoint ainsi un mouvement continental de réappropriation des chaînes de valeur. L’Afrique du Sud, le Zimbabwe, mais aussi la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso ou encore la RDC ont tous engagé ou annoncé des projets similaires. La raffinerie malienne se veut un outil de transformation structurelle, destiné à réduire la dépendance économique extérieure tout en créant des emplois qualifiés.
Une raffinerie comme symbole de rupture
Plus qu’un simple outil industriel, cette infrastructure représente le nouveau visage du Mali post-rupture avec l’Occident. Elle matérialise une volonté de souveraineté assumée et un partenariat stratégique avec des puissances alternatives, notamment la Russie. Si les défis techniques, logistiques et sécuritaires ne manquent pas, Bamako veut croire à un avenir où l’or ne quittera plus le sol malien sans y avoir été valorisé.
À travers ce virage, le Mali trace les contours d’une indépendance économique offensive, qui pourrait inspirer d’autres nations africaines en quête de modèles alternatifs au néocolonialisme extractif.