Le 6 juin dernier, un message publié sur la chaîne Telegram du groupe Wagner annonçait la fin de la mission de cette société militaire privée russe au Mali. « Mission accomplie », affirme laconiquement le texte, ajoutant que les hommes de Wagner « rentrent à la maison ». Cette déclaration met officiellement un terme à plus de trois années d’opérations dans le pays, marquées par la lutte contre les insurrections armées et un repositionnement diplomatique du Mali sur la scène internationale.
Arrivé au Mali en 2021 à la suite d’un net refroidissement des relations entre Bamako et ses partenaires occidentaux, en particulier la France, Wagner s’était imposé comme un soutien clé de la junte militaire. L’objectif affiché était clair : aider les autorités de transition à rétablir la souveraineté nationale face aux groupes armés, alors que le pays était en proie à une profonde instabilité depuis 2012. Selon son communiqué, le groupe affirme avoir contribué à la formation d’une armée « forte et disciplinée », désormais capable de sécuriser le territoire national. Il se félicite également d’avoir permis aux autorités maliennes de reprendre le contrôle de toutes les capitales régionales.
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Mais derrière cette sortie annoncée, beaucoup y voient moins un retrait qu’une reconfiguration stratégique. En effet, plusieurs sources font état de la mise en place d’une nouvelle structure : l’Africa Corps, une force paramilitaire qui, à la différence de Wagner, relèverait directement de l’État russe. Cette évolution marque un tournant : Moscou semble désormais vouloir asseoir sa présence en Afrique de manière plus institutionnelle, à l’abri des critiques souvent formulées à l’encontre des sociétés militaires privées jugées opaques et incontrôlables.
Ce changement de stratégie s’inscrit dans un contexte régional profondément transformé. Le Mali, aux côtés du Burkina Faso et du Niger, a quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour former l’Alliance des États du Sahel (AES). Une coalition qui revendique une autonomie stratégique accrue et qui cherche à redéfinir ses partenariats, loin des anciens schémas postcoloniaux.
La fin de la mission Wagner n’est donc pas à interpréter comme un retrait de la Russie du Sahel, mais plutôt comme un ajustement. Moscou semble vouloir gagner en légitimité et en visibilité en s’appuyant désormais sur des structures officielles. Pour le Mali, cela pourrait signifier une transition vers une coopération sécuritaire plus encadrée, mais aussi plus dépendante d’un partenaire dont les ambitions dans la région ne font plus de doute.
Toutefois, malgré cette réorganisation, les défis restent immenses. Les groupes armés continuent d’opérer dans plusieurs régions du pays et la stabilisation durable du territoire malien est encore loin d’être acquise. Le départ de Wagner pourrait donc n’être qu’un épisode dans une série de repositionnements stratégiques, où le Sahel reste au cœur des luttes d’influence internationales.