La radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale pour la présidentielle d’octobre 2025 continue de faire des remous jusqu’au cœur du pouvoir ivoirien. Dernier épisode en date : la rupture spectaculaire entre le président Alassane Ouattara et l’un de ses plus fidèles soutiens, Philippe Serey-Eiffel. Ce conseiller historique, figure influente des arcanes politiques ivoiriennes depuis les années 1970, a officiellement pris ses distances avec le chef de l’État, dénonçant dans une lettre ouverte une décision « injuste » et dangereuse pour la stabilité démocratique du pays.
Dans cette correspondance, rendue publique par Africa Intelligence, Philippe Serey-Eiffel ne mâche pas ses mots. Il condamne fermement l’exclusion de Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), de la course présidentielle. À ses yeux, cette éviction, motivée officiellement par une question de double nationalité, s’apparente à une manœuvre politique visant à écarter un adversaire redoutable. « Si cette décision n’est pas corrigée, je ne reconnaîtrai plus l’homme d’État que j’ai servi pendant trente ans », écrit-il avec gravité.
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Ce désaveu public est un signal fort. Philippe Serey-Eiffel n’est pas un acteur de second plan. Ancien Directeur général de la DCGTX sous le Premier ministre Ouattara, puis ministre chargé des grands projets en 2016, il a joué un rôle central dans les grands chantiers du pays. Son retrait sonne comme un avertissement pour un régime déjà sous pression, aussi bien à l’intérieur qu’à l’international.
La communauté internationale observe en effet avec inquiétude l’évolution du dossier Thiam. Figure mondialement connue pour avoir dirigé le Crédit Suisse, l’homme est aujourd’hui le pivot de l’opposition. Son exclusion alimente les soupçons de dérive autoritaire, dans un contexte où la transparence du processus électoral est plus que jamais scrutée.
Pourtant, la justice ivoirienne reste inflexible. Selon ses conclusions, Tidjane Thiam aurait conservé la nationalité française au moment de son inscription sur la liste électorale, violant ainsi les règles d’éligibilité. Un argument que rejettent en bloc ses partisans, dénonçant une interprétation biaisée de la loi. Au sein du PDCI-RDA, la mobilisation est totale : Thiam reste le seul candidat envisagé. Toutefois, des voix plus prudentes évoquent discrètement la nécessité d’un plan B, en cas d’impasse juridique définitive.
En s’éloignant de Ouattara, Philippe Serey-Eiffel rejoint ainsi la longue liste des personnalités critiques face à la tournure que prend le pouvoir. Son geste n’est pas anodin : il révèle les fractures internes au sein du camp présidentiel et pourrait en inspirer d’autres. Le compte à rebours électoral est lancé, mais l’équation politique reste instable. Tidjane Thiam, malgré les obstacles, n’a peut-être pas dit son dernier mot.