Quand Rocky Gold, star ivoirienne, lâche sur les réseaux : « Prenez de mes nouvelles, je fais semblant, je ne vais pas bien », ça frappe fort. Quand Créol, artiste gabonaise, se filme en pleurs et dit : « Vérifiez comment vont vos proches », ça sonne comme un cri d’alerte. En Afrique, la dépression ronge la jeunesse. Mais entre ceux qui en font une tendance TikTok et ceux qui souffrent en silence, le mal est bien réel. Ce n’est pas une mode, c’est une crise.
Il faut oser le dire, en Afrique, la dépression chez les jeunes est un mal sournois, souvent masqué par des sourires de façade, des publications sur les réseaux sociaux ou des tendances TikTok qui en font presque une mode. Pourtant, ce fléau touche des millions de jeunes à travers le continent, surtout avec l’essor du “Prouving” sur les réseaux sociaux où beaucoup arrivent à s’inventer une vie de rêve devant la caméra, ce qui met une sacrée pression sur ceux qui n’ont pas assez d’aisance financière.
De manière plus générale, les causes de la dépression sont multiples et complexes. Le mal est réel et engendre de terribles conséquences. Il est temps d’en parler !
Une mode ou une réalité ?
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Sur un continent où il est très important de se relever quand on est au sol, la dépression est parfois perçue comme une faiblesse ou, pire, une tendance importée de l’Occident. Les réseaux sociaux, notamment TikTok, ont amplifié ce phénomène. Certains jeunes, influencés par ces tendances, revendiquent des symptômes de ce mal sans en mesurer la gravité, tandis que d’autres, en proie à une réelle détresse, n’osent pas en parler par peur du jugement.
Selon une étude publiée dans PLoS ONE, environ 1 adolescent sur 7 en Afrique subsaharienne souffre de problèmes psychologiques significatifs, et près de 10 % répondent aux critères d’un diagnostic psychiatrique. Ces chiffres, bien que sous-estimés en raison du manque de données, démontrent une crise silencieuse.
La stigmatisation joue un rôle clé. Dans de nombreuses communautés africaines, les troubles mentaux sont associés à la sorcellerie, à la possession spirituelle ou à un manque de foi. Cette perception pousse les jeunes à cacher leur souffrance. Pourtant, les appels au secours, souvent discrets, se multiplient.
Lorsque l’artiste gabonaise Créol, dans une vidéo émouvante, exhorte ses fans à « prendre des nouvelles de leurs proches », elle pointe du doigt une vérité dérangeante : beaucoup souffrent en silence.
Les causes de la dépression, la “vraie dépression”, chez les jeunes Africains
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Certains qui ne mesurent pas la gravité du phénomène, diraient que c’est le manque d’argent qui engendre tout cela. Ils ont en partie raison, mais la dépression chez les jeunes Africains trouve ses racines dans un mélange de facteurs sociaux, économiques et personnels, souvent invisibles à l’œil nu.
Parmi les causes immédiates, on note :
Les pressions socio-économiques :
Le chômage des jeunes, qui atteint des taux alarmants, engendre un sentiment d’échec et de désespoir. Malgré les diplômes, beaucoup peinent à trouver un emploi décent, ce qui alimente l’anxiété et la dépression.
La stigmatisation et le manque de soutien :
Les services de santé mentale sont rares et sous-financés en Afrique. Moins de 1 % des budgets de santé des gouvernements africains sont alloués à la santé mentale. Cette absence de structures, combinée à la stigmatisation, laisse les jeunes sans recours.
L’impact des réseaux sociaux :
Bien-sûr qu’on ne pouvait pas zapper la principale source de tout ce phénomène. Si les plateformes comme TikTok offrent un espace d’expression, elles exacerbent aussi les comparaisons sociales et la pression de réussir.
Des conséquences tragiques : des cas concrets
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Les conséquences de la dépression non traitée sont souvent dramatiques. Prenons le cas d’Aaron Boupendza, footballeur gabonais de talent, dont la chute mortelle du 11e étage d’un immeuble en Chine, en 2024, a choqué le continent. Bien que la police chinoise ait conclu à un accident, les spéculations sur un possible suicide ont enflammé les réseaux sociaux. Pour faire court, ce drame devrait vous rappeler que même les figures publiques, apparemment auréolées de succès, peuvent cacher une souffrance profonde. L’appel de Créol à vérifier l’état de ses proches semble, dans ce contexte, chargé de sous-entendus.
Un autre exemple marquant est celui de DJ Arafat, icône du coupé-décalé ivoirien, décédé en 2019 dans un accident de moto. Avant sa mort, des proches avaient révélé qu’il traversait des périodes de détresse émotionnelle, exacerbées par la pression de la célébrité et des conflits personnels.
En 2023, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la santé mentale, le rappeur ivoirien Suspect 95, a raconté sa dépression. Il voulait briser les stéréotypes autour de ce mal-être. Pour ce faire, il n’a pas hesité à relater l’histoire de la dépression qu’il a vécu à un moment donné de sa vie.
« J’avais vécu un décès et j’étais dans une période noire et terrible. Je me disais que c’était une dépression, mais je voulais en avoir le cœur net, car j’avais trop de stéréotypes. Je pensais que la dépression est une affaire des occidentaux, une affaire de femme. J’étais vraiment plein de préjugé. J’ai tapé sur internet les symptômes de la dépression et les informations que j’ai reçu étaient comme le reflet de mon histoire. C’est en ce moment que j’ai réalisé que je faisais une dépressioN », avait raconté le rappeur ivoirien.
Enfin, le récent aveu de Rocky Gold illustre une réalité plus quotidienne : celle des jeunes qui « font semblant » pour sauver les apparences. Ces témoignages, qu’ils viennent de célébrités ou d’anonymes, font écho à une vérité universelle : la dépression ne discrimine pas. Elle touche les riches comme les pauvres, les célèbres comme les inconnus.
Que faire ?
Face à ce fléau, il est urgent d’agir. Ici, nous ne sommes pas des professionnels de la santé mentale, mais le minimum serait d’être bienveillant l’un envers dans nos différentes communautés. « Je n’ai pas hésité à en parler à ma mère et ma grande-sœur. Le simple fait d’en parler et d’extérioriser, pour moi, resoud le problème à 70% », avait raconté Suspect 95.
Plus loin, il faudrait renforcer les services de santé mentale. Les gouvernements africains doivent investir dans des structures accessibles, comme des cliniques communautaires ou des lignes d’assistance téléphonique. Mais bien avant, il faut lutter contre la stigmatisation des jeunes dépressifs et faire comprendre qu’ils ne sont ni des sorciers, ni des personnes qui copient des tendances.
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Pour ce faire, des campagnes d’éducation, impliquant des influenceurs et des leaders communautaires, peuvent changer les perceptions. Prendre exemple sur les messages de Créol ou Rocky Gold, relayés sur les réseaux sociaux, qui ont déjà un impact.
Pour finir, on ne le dira jamais assez, il devient très crucial d’encadrer l’usage des réseaux sociaux. Les plateformes comme TikTok doivent promouvoir un contenu responsable sur la santé mentale. Les jeunes doivent aussi être formés à une consommation critique des médias sinon ils tomberont sur des créateurs de contenu qui font du prouving et ensuite, ils se sentiront nuls et entreront dans al boucle dépressive.
Derrière les sourires et les publications sur TikTok se cache une souffrance souvent ignorée. Il est important de prendre des nouvelles de vos proches.