La libération d’Aamron, le rappeur togolais engagé et critique envers le régime de Faure Gnassingbé, le 21 juin 2025, est le sujet au bout des lèvres ces derniers jours au Togo. Ce dénouement est une étape clé dans la crise sociopolitique qui secoue actuellement le pays d’Emmanuel Adebayor. Mais loin d’apaiser les tensions, cette décision a relancé la mobilisation citoyenne.
La jeunesse togolaise reste déterminée malgré ce récent dénouement. La preuve ? De prochaines manifestations sont prévues dans la capitale togolaise, cette fois-ci, pour exiger le départ du régime de Faure Gnassingbé et l’amélioration des conditions de vie des Togolais.
Lisez attentivement ce dossier pour comprendre pleinement comment un artiste alimente le débat politique au Togo et à quel point le combat pour la démocratie de trouve redéfini depuis des lives TikTok où un rappeur a exprimé son ras-le-bol envers un régime.
Qui est Aamron ?
Lire aussi : Arrestation d’Aamron : Le cri d’alerte de la DMP secoue Lomé
Né sous le nom de Tchala Essowè Narcisse, l’artiste aujourd’hui connu sous le nom de Aamron incarne aujourd’hui bien plus qu’une figure musicale au Togo. Tout récemment, il est devenu une véritable voix citoyenne pour une jeunesse avide de changement.
Issu d’un milieu sérieux et censé conduire à une carrière juridique, Tchala abandonna ses études de droit pour embrasser le rap, assez tôt, vers ses 15 ans. Sa passion prit sa source dans l’admiration pour MC Solaar, par lequel il découvrit le pouvoir des mots et leur portée sociale. Très vite, il se fait un nom sur la scène locale.
En 2009, sous le pseudo d’Aamron, il fait sensation avec un single éponyme. L’année suivante, son premier album Black Boys, un projet de 16 titres, le consacre leader émergent du hip-hop togolais. Ses clips et morceaux sont plusieurs fois primés : meilleur tube rap et meilleure vidéo aux All Music Awards en 2010, puis renouvellent l’exploit en 2011.
Après son ascension, Aamron s’accorde une pause. Comme il l’explique à l’époque, ce retrait était un repli stratégique, une période de réflexion pour mieux revenir. Cette étape était un tournant personnel autant qu’artistique.
Son irrésistible retour se fait fin 2019 avec le clip “Vérité”, porte-voix d’une pensée engagée. Surtout actif sur TikTok, il aligne vidéos et messages critiques, utilisant sa musique et sa plateforme pour interpeller les Togolais et le pouvoir.
L’appel à manifester et l’arrestation
Bien avant, le 26 mai 2025, il lance un appel à manifester pour le 6 juin, date symbolique : l’anniversaire de Faure Gnassingbé. À l’appui, des propos jugés d’injurieux qui visaient directement l’actuel président du Conseil des ministres au Togo. Ce geste retentissant provoque une réaction immédiate : il est interpellé à son domicile à Lomé, matinée dramatique et placé dans un hôpital psychiatrique de Zébé, officiellement pour “dépression aggravée”.
Le 5 juin, une vidéo d’excuses fuitée sur les réseaux. Aamron apparaît visiblement en détresse, s’excusant envers le président et évoquant un trouble mental. Pour ses soutiens, il s’agit d’un message dicté, rédigé sous contrainte. Cela a encore plus renforcé la rage des Togolais via les réseaux sociaux où ils ont dénoncé cette “mascarade”.
Lire aussi : Togo-6 juin : Entre Tabaski et tensions populaires
Arrestation lors des manifestations du 6 juin
Le mouvement pro-Aamron dépasse le cadre national et est mené par plusieurs blogueurs togolais basés à l’étranger, notamment en Europe, comme Zaga Bambo et Raoul Le Blanc. Utilisant TikTok et Facebook Live, ils ont réussi à mobiliser plus de 23 000 personnes en direct, avant même que quelques jeunes ne parviennent à se regrouper dans des quartiers comme Bè, Adidogomé et Adakpamé.
Les manifestations du 5 et 6 juin, particulièrement à Lomé et dans d’autres grandes villes togolaises, visaient à dénoncer plusieurs maux : la réforme constitutionnelle verrouillant davantage le pouvoir de Faure Gnassingbé, la forte hausse du prix de l’électricité et l’arrestation de voix critiques telles qu’Aamron.
Selon un communiqué du procureur de la République, 56 personnes impliquées dans ces mobilisations ont été interpellées puis relâchées, à l’exception de trois personnes soumises à des prolongations de garde à vue ou inculpées pour « trouble aggravé à l’ordre public ». Ce chiffre masque toutefois une réalité plus complexe : des journalistes ont été contraints d’effacer leurs enregistrements ou ont subi des interpellations fugitives. Des ONG comme Amnesty International ont réclamé des enquêtes suite à des allégations de torture formulées par certains manifestants.
Malgré ces allégations graves, le gouvernement nie tout recours à la torture ou mauvais traitements, affirmant ne pas avoir été informé de tels cas. La ministre de la Communication justifie son ignorance en évoquant l’absence de signalement officiel, tout en rappelant que la torture est interdite par la loi togolaise.
Libération d’Aamron et manifestations prévues les 26, 27 et 28 juin 2025
Le 21 juin 2025, l’avocat du rappeur togolais confirme sa libération sans inculpation. Aucun dossier judiciaire n’a été ouvert contre lui, ce qui renforce l’idée d’un détournement politique de sa détention. Ce retour marque aussi un réveil symbolique : il ranime l’espoir et alimente de nouveaux appels à manifestation pour la fin juin.
Sa remise en liberté, saluée par ses proches et les défenseurs des droits humains, intervient dans un climat politique hautement tendu. Si certains y voient un geste d’apaisement du régime, nombreux sont ceux qui perçoivent cette libération comme un simple coup de communication, puisque les appels à manifester autour de son cas se poursuivent sans relâche.
Lire aussi : Mobilisation citoyenne du 6 Juin 2025 au Togo : Voici les gestes à adopter pour votre sécurité
Malgré la libération d’Aamron, des appels à manifester pour les 26, 27 et 28 juin 2025 ont été appuyés par la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), le Front de Libération Nationale (FLN) et un collectif de la diaspora allemande. Les slogans récurrents sont clairs : « libération de tous les prisonniers politiques », « fin des réformes anti-démocratiques » et « justice pour les victimes de la répression ».
Lors d’un direct organisé le 22 juin, l’artiste Zaga Bambo, soutenu par des figures telles que Farida Nabourema, Olivier Amah et le journaliste Ferdinand Ayité, a mis en garde : « La libération d’Aamron est une très grande victoire pour nous, mais sa santé reste préoccupante […] Ce geste est insuffisant, Faure Gnassingbé. Il faut libérer tous les prisonniers politiques avant ta démission ».
Le gouvernement prévient les futurs manifestants
La société civile, loin de se contenter d’une libération isolée, entend poursuivre son effort pour défendre d’autres détenus et faire tomber l’autoritarisme.
Au-delà de la liberté formelle, le cercle proche d’Aamron met en évidence un fait préoccupant : sa condition physique et mentale reste fragile. Suite à des traitements « incompréhensibles et probablement mal intentionnés », il conserverait des séquelles visibles, nécessitant des examens médicaux urgents.
Loin de se contenter de cette victoire, la jeunesse togolaise, via les réseaux sociaux, s’arment pour descendre dans les rues de Lomé dans les prochains jours pour revendiquer bien d’autres améliorations et dénouements heureux. Le gouvernement, lui, a adressé des communiqués rappelant que tout rassemblement doit respect strictement les règles de déclaration préalable et d’autorisation, un principe légal encadré qu’il entend faire respecter.
Les autorités rappellent que tout rassemblement non déclaré est passible de sanctions, et que les premières lignes, en particulier à Lomé et dans le Grand-Lomé, seront placées « sous haute surveillance ». Une mesure de sécurité qui soulève des inquiétudes sur des possibles restrictions aux déplacements des citoyens. Les prochains jours s’annoncent intenses dans les rues de Lomé, la belle.